Filtrée, régulée, à faible bruit, linéaire ou à découpage ?

Le débat sur les alimentations, tel qu’il existe à l’heure actuelle, souvent alimenté par une écoute subjective, fait polémique alors qu’il ne devrait pas y avoir de débat sur ce point.

Les alimentations constituent un point à ne pas négliger. Pour autant, les alimentations à faible bruit ne sont pas inutiles, loin de là, mais elles ne sont pas pertinentes dans le domaine du son.

Des alimentations à faible bruit, toujours annoncé en µV, ce qui a peu de sens, n’améliorent pas grandement le résultat audible. Le bruit est d’énergie infinie. Il est même de puissance infinie et ce n’est que parce qu’on filtre ce bruit qu’il devient à puissance finie. L’unité de mesure n’est donc pas le µV, mais le W/Hz ou, à la rigueur, le V/sqrt(Hz) (volt par racine carrée de hertz, une unité étrange pour les non spécialistes). Sur ce point comme sur plusieurs autres, il faut se méfier des informations techniques sans aucune signification physique.

À quoi sert une alimentation et comment celle-ci influe-t-elle sur un système électronique ?

Deux cas sont à étudier. Le premier concerne les circuits numériques pour lesquels une alimentation à faible bruit n’apporte strictement rien. En effet, un système numérique fonctionne avec des tensions de seuil bien normalisées pour l’état haut et l’état bas. Il existe bien une plage correspondant à un état indéterminé, mais l’utilisation de triggers de Schmitt permet d’éviter les problèmes de transition. Par ailleurs, les systèmes numériques sont à temps discret dans l’immense majorité des cas. S’ils sont bien conçus, la donnée utilisée est prise au milieu de la période d’échantillonnage. Ces systèmes peuvent donc utiliser n’importe quel type d’alimentation pourvu que la tension générée soit raisonnablement stable. Si une alimentation à faible bruit améliore sensiblement la restitution, c’est que le circuit à alimenter lui-même possède quelques grossières erreurs de conception. La meilleure des alimentations ne transformera jamais sensiblement un circuit mal conçu en système de qualité.

Les systèmes analogiques, quant à eux, demandent des alimentations plus soignées pour assurer les points de fonctionnement et de polarisation de tous les composants. A priori, il est assez tentant de dire qu’une alimentation à faible bruit sera très intéressante. Là encore, il n’en est rien. La formule de Friis, bien connue des traiteurs de signal, montre que le facteur de bruit d’une chaîne d’amplification est, en première approximation, le facteur de bruit de son premier étage. En d’autres termes, au lieu d’utiliser une alimentation à faible bruit onéreuse directement sur un amplificateur, il vaut mieux largement utiliser un préamplificateur à faible bruit donnant un gain de 10dB en tête de l’installation avec une distribution soignée des alimentations et une alimentation standard. Le résultat ne sera que meilleur car l’utilisation d’un tel préamplificateur masquera le bruit de l’alimentation ainsi que le bruit des étages situés en aval de ce préamplificateur. C’est pourquoi, en électronique analogique, il est courant d’utiliser des alimentations classiques en soignant le filtrage. Plus la consommation électrique d’un étage est maîtrisée, plus la bande passante de l’alimentation est faible, ce qui explique pourquoi dans les bons amplificateurs, l’alimentation arrive en premier sur les étages de puissance avant de passer par une série de filtres RC d’étage en étage jusqu’aux préamplificateurs qui ont une alimentation avec une bande passante très faible donc avec très peu de bruit sur leur bande.

Pour ces raisons, dans les amplificateurs à tube, il n’y a qu’une seule alimentation haute tension par voie avec une distribution RC et non LC qui serait inductive. Ce n’est pas le fruit du hasard et les constructeurs n’ont pas fait cela pour que cela chauffe mais pour réduire le bruit sur les étages de tête.

Que se passe-t-il alors dans le cas marginal des convertisseurs analogique-numérique et numérique-analogique ? Même dans ce cas, cela ne sert à rien. Ces convertisseurs sont entachés de plusieurs types d’erreurs. Souvent, les constructeurs mettent en avant la non linéarité comme source de défaut. Or l’erreur principale est donnée par l’erreur de zéro. Une bonne pratique consiste toujours à prendre un convertisseur surdimensionné, typiquement n+4 bits là où on veut traiter n bits et de considérer faux les quatre bits de poids faible. Avec un découplage sur les alimentations, le résultat sera affecté par moins de bruit qu’il ne l’aurait été avec un convertisseur n bits et une alimentation dite à faible bruit.

Parlons un peu également des systèmes permettant d’obtenir des alimentations à faible bruit. Ces alimentations ne peuvent être qu’à découpage. En effet, les alimentations linéaires chauffent et, en vertu de Nyquist et de Boltzmann, la variance du bruit vaut 4k.T.R.dF. Dans cette expression, R varie dans le transistor de ballast en fonction de l’ondulation de la tension redressée, T est assez grande. Le seul moyen de réduire le bruit thermique est donc de réduire la bande passante. Et l’on ne parlera pas du bruit de commutation des diodes, simplement du bruit thermique. En d’autres termes, une alimentation linéaire à faible bruit ne pourra avoir qu’une bande passante faible et nécessitera d’énormes capacités de stockage d’énergie et de surdimensionnement pour pouvoir encaisser des transitoires.

D’un autre côté, il est possible d’utiliser des régulations à découpage. C’est élégant, cela possède un bon rendement. Il n’y a plus d’ondulation à la fréquence du secteur ou à la fréquence double. En revanche, il y a un fort bruit de commutation. Mais ce bruit de commutation peut se retrouver bien haut en fréquence, à plusieurs centaines de kilohertz. Un simple filtre en sortie d’alimentation permet de s’affranchir de ce bruit hors bande qui, filtré correctement, ne pourra pas venir avec une intermodulation d’ordre trois marcher sur les pieds du signal utile. L’intérêt de la régulation à découpage est d’avoir une grande bande passante, donc de ne pas nécessiter de fortes capacités de stockage, tout en restant à bruit très limité.

Pourtant, certains fabricants d’alimentations se targuent d’utiliser des systèmes de contre-réaction pour annuler le bruit. En réalité, le bruit est un phénomène stochastique et une contre-réaction ne l’annulera pas, bien au contraire. En revanche, une contre-réaction pourra annuler des brouilleurs issus de l’alimentation primaire (typiquement des parasites issus de machines tournantes, de hacheurs mal conçus…), ce qui n’est pas du bruit et devrait pouvoir être éliminé sans trop de peine par une alimentation normalement conçue. Pour y arriver avec une contre-réaction, il faut que celle-ci soit relativement violente pour assurer d’une part une bonne bande passante à l’alimentation et d’autre part une bonne réaction face aux perturbateurs. Il n’y a qu’un petit problème, faisant cela, le système de contre-réaction s’approche dangereusement du point d’instabilité du système.

Ainsi, une bonne alimentation est une alimentation satisfaisant aux critères suivants :

  • bande passante supérieure d’un facteur deux ou trois à la fréquence maximale du signal ;
  • régulation linéaire ou à découpage à haute fréquence (plus de deux fois la fréquence maximale du signal) après un filtrage sévère pour éviter au maximum l’ondulation avant la régulation. Il est possible d’utiliser un redresseur commandé à thyristor au prix de capacités plus importantes, mais dans le cas d’une régulation linéaire, cela permet d’augmenter sérieusement le rendement total ;
  • limitation du bruit de commutation des diodes et limitation du bruit thermique des composants en les refroidissant ;
  • distribution intelligente des alimentations.

Une alimentation correcte est donc imposante. Cela ne peut tenir dans un petit boîtier façon adaptateur secteur de téléphone ne serait-ce que parce que les filtres ne peuvent être miniaturisés facilement.